Moscovici président ?

, par Valéry-Xavier Lentz

... pourtant il avait arrêté de se raser.

Libération reprend aujourd’hui, dans un article intitulé « 2012 : les candidatures pleuvent au PS » les propos du député Pierre Moscovici dans une interview à VSD.

Le journaliste, parce que c’est tout ce qui l’intéresse, souligne avant tout qu’il n’exclut rien pour l’échéance de 2012 — pourquoi le devrait-il ? — et en profite pour moquer la multitude de candidatures potentielles au sein du PS (Manuel Valls, Madame Royal et le traitre Fabius ont tous fait comprendre leur intérêt surprenant pour la fonction présidentielle).

Pourtant le reste des propos cités concernent bien les enjeux véritables du moment, c’est à dire la succession de François Hollande à la fin de cette année. Dans cette perspective, j’aurais tendance à dire qu’il incarne bien le profil dont le PS aurait besoin : homme d’expérience et compétent, incarnant la culture la gauche de gouvernement, aux convictions fortes mais poli, europeiste mais pas trop, ancien trotskyste [1], mais guéri.

Il serait erroné que le PS désigne, ou croit désigner, à travers le choix de son Premier secrétaire, un(e) candidat(e) à l’élection présidentielle. Ce serait d’une part fragiliser ce candidat potentiel, en l’exposant plusierus années durant aux torpilles de la droite et aux croches-pieds de certains de ses camarades ; ce serait aussi et surtout enfin présidentialiser le PS qui était jusqu’ici resté un parti démocratique. Car en cédant aux diktats institutionnels du régime de la Ve République, ce serait ce dernier qui entrerait au PS alors que ce devraient être aux socialistes de prendre la Ve République pour la transformer. Encore faut-il qu’ils se transforment eux-mêmes, ce qui n’arrivera pas si de parti politique, il se transformait dès la fin de cette année en machine électorale au service des ambitions d’une seul.

Pour revenir à Pierre Moscovici, soulignons qu’il a porté aujourd’hui à l’Assemblée nationale, le sentiment de tous ceux qui comme moi, s’indignent du laxisme du président de la République et du gouvernement envers les dictatures (cf. Questions d’actualité du 30 avril). Il s’agissait plus précisément d’une réaction au désormais célèbre « Aujourd’hui, l’espace des libertés progresse en Tunisie » de Sarkozy qui va rejoindre les commentaires hallucinants de Raffarin sur la Chine.

J’approuve pleinement cette intervention. L’attitude du gouvernement français sur ces questions est scandaleuse. Le plus navrant dans tout ceci est que Bernard Kouchner accepte de cautionner tout ceci.

Les socialistes au pouvoir n’ont pourtant pas toujours fait preuve non plus d’une politique particulièrement courageuse. François Mitterrand lui-même, avec la troublante visite de M. Jaruselski et le ralliement précipité aux putchistes de Moscou [2], n’avait pas toujours brillé. La realpolitik à l’ancienne d’un souverainiste comme Hubert Védrine ne s’était pas distinguée non plus de ce point de vue. Enfin, au sein même du PS, un sénateur se distingue par son soutien bruyant aux dictateurs et apprentis dictateurs.

Espérons que les socialistes sauront à l’avenir, lors d’une future alternance, affirmer notre attachement à une politique extérieure fondée sur des relations privilégiées avec les démocrates, et un dialogue poli, mais franc, avec les autres. À condition qu’ils ne placent pas n’importe qui à leur tête, bien sur.


[1] à en croire Wikipedia

[2] Cf. Putsch de Moscou