Les Verts doivent-ils présenter une liste Frankenstein ?

, par Valéry-Xavier Lentz

Avant de débuter cette note, je dois d’abord préciser que Daniel Cohn-Bendit est l’une des personnalités politiques pour laquelle j’ai la plus grande sympathie, et dont je partage la plupart du temps les analyses. Je suis toutefois dubitatif sur l’idée, discutée en ce moment même par les Verts, de présenter des listes aux élections européennes qui rassembleraient outre Daniel Cohn-Bendit les deux arlésiennes de la dernière élection présidentielle française : Nicolas Hulot et José Bové.

Co-président des Verts au niveau européen et ancienne tête de liste des Verts en France en 1999, lesquels avaient obtenus alors l’excellent score de 9,72% des voix, Cohn-Bendit a toute légitimité pour apporter sa contribution au débat pré-électoral au sein de son parti. Le constat de l’échec des écologistes en 2007, Dominique Voynet avait rassemblé seulement 1,57% alors que les thèmes des Verts étaient au coeur du débat, mérite réflexion.

La solution proposée laisse cependant songeur. Rassembler l’éphémère star des sondages de l’avant-présidentielle et l’agitateur d’extrême-gauche autour de Dany le Vert dans une liste Frankenstein me semble une fausse bonne idée. Le rassemblement de personnalités aussi hétéroclites ne peut que brouiller l’image de l’écologie politique. L’addition des contraires donne une somme nulle. Ceux qui à gauche et au centre pourraient être attirés par un Daniel Cohn-Bendit réformateur, progressiste et pro-européen seront inévitablement repoussés par le gauchisme anti-européen d’un Bové. Ceux qui font généralement confiance aux Verts incarnant l’écologie politique feront-ils confiance à un Nicolas Hulot à l’image apolitique et purement environnementaliste ?

La tentation de faire un coup médiatique et électoraliste incertain l’emportera-t-elle ? Il faut prendre en compte, outre l’aspect aléatoire de l’opération, plusieurs autres facteurs :

  • l’élection européenne, à la proportionnelle, est plus favorable aux écologistes que l’élection présidentielle. Celle de 2007 a sans doute aussi subit le contrecoup du 21 avril 2002, incitant le regroupement autour des principaux candidats désignés par les sondeurs. Rien ne dit que en épit de la déception de la présidentielle, les Verts ne retrouvent pas aux européennes leur niveau habituel.
  • l’objectif d’une élection est de faire siéger des députés venant défendre les idées du parti qui les a fait élire. Quel sera la position de Hulot ou Bové une fois sur les bancs du Parlement à Bruxelles (voire à Strasbourg si le toit est réparé un jour) ? Siègeront-ils avec les écologistes ? Respecteront-ils la discipline de vote du groupe ?
  • la mise en avant de personnalités médiatiques, dont aucune n’est membre des Verts français, ne doit pas occulter ou mettre en péril la ré-élection des eurodéputés écologistes sortant dont le travail s’est avéré excellent, comme par exemple le francilien Alain Lipietz ou encore Marie Anne Isler Beguin (qui était encore il y a quelques jours en mission d’observation dans la Géorgie envahie par la Russie).
  • Enfin et surtout l’élection européenne est avant tout européenne. L’attelage étonnant proposé ici est surtout à usage franco-français et sera-t-il capable de mettre en avant les positions des Verts européens alors qu’il semble potentiellement surtout susceptible de provoquer des polémiques microcosmiques.

Noël Mamère prétend que "les Verts ne peuvent pas dire non à Cohn-Bendit". N’étant pas directement concerné, je ne me prononcerait pas directement sur la question, mais à leur place j’hésiterais quand même à céder à cette idée-gadget.