Les sables mouvants du PS

, par Valéry-Xavier Lentz

Le PS français d’enfonce tout doucement et le dépôt des motions confirme ce que l’on craignait : le prochain congrès sera une primaire présidentielle déguisée.

Pierre Moscovivi, déserté par tous ses alliés de poids, ralliés aux uns ou aux autres, a donc renoncé à offrir une alternative aux adhérents socialistes et a apporté son soutien à Delanoë. Ce choix est compréhensible toutefois il relève de ce "réalisme" qui lui avait déjà été reproché au Mouvement européen. Mieux vaut à mon sens avoir raison contre tous quite à traverser provisoirement un désert. Les seules batailles perdues d’avance sont on le sait celles que l’on renonce à mener. Déception donc.

Il convient tout de même de remercier Pierre Moscovici d’avoir su animer cette précampagne et porté le message de ceux que consterne cette présidentialisation du PS qui vient marquer la soumission au régime de la Ve République alors que le PS devrait promouvoir la 6e.

Le choix des socialistes est désormais réduit à un concours de beauté entre présidentiables, tant il est difficile d’identifier les différences idéologiques entre les trois principaux candidats. Le bon côté des choses est bien sur qu’il est rassurant de constater une certaine cohérence du Parti socialiste. Le réformisme social-démocrate semble devoir l’emporter et l’enjeu du point de vue des idées sera de voir dans quelle mesure les gauchistes rassemblés autour de Benoît Hamon sont effectivement minoritaires. Ce dernier a réussi à rassembler tous les archaïques du parti autour de lui : nonistes, sociaux-nationalistes, partisans du rapprochement avec l’extrême gauche sont tous là. Il reste à espérer pour le PS que leur score soit le plus misérable possible.

Martine Aubry étant alliée à Fabius, il ne reste donc pour le PS qu’un choix entre Bertrand Delanoë et Ségolène Royal. Du point de vue de la personnalité et des compétences, le choix est vite fait. En revanche les postures adoptées au cours des derniers mois peuvent faire hésiter, notamment sur la question des alliances. Alors que Ségolène Royal a mentionné l’hypothèse d’un rapprochement avec le Modem, hypothèse naturelle pour une gauche réformiste et se situant aussi dans la logique des institutions qui devrait pousser l’opposition à se rassembler ; Bertrand Delanoë a toujours privilégié dans un rigoureux traditionnalisme jospiniste, l’alliance avec le PCF, pourtant le plus ringard d’Europe, y compris aux dépens des Verts, parti plus moderne et mieux implanté à Paris dont il est le maire. Cette attitude peut inquiéter alors que l’on aura besoin de toute l’opposition démocratique à Nicolas Sarkozy pour espérer voir celui-ci battu en 2012.

Le Congrès sera donc un échec : non seulement il verra un affrontement entre des têtes de file a priori peu différentiables sur les questions de fond mais en outre il se situera dans une logique présidentialiste laissant celui qui sortira du chapeau servir de cible en interne et en externe pendant les longues années qui nous séparent de l’élection présidentielle. Il ou elle ne pourra dès lors qu’être tenté par un autoritarisme qui tuera le débat d’idée au lieu de l’encourager.

Les conséquences du pré-congrès sont déjà consternantes : le PS est muet face aux initiatives de la droite, se laissant déborder par le Modem sur Edvige ou par l’extrême-gauche sur la Poste. Du coup pour compenser, il a adopté un comportement irresponsable sur l’Afghanistan en faisant de la surenchère et en sombrant dans le piège de l’opposition frontale. Le vote contre la poursuite de la mission française dans la guerre contre le terrorisme, tout en expliquant que ce votre Non ne veut pas dire Non est illisible et particulièrement regrettable. Ce vote est irresponsable envers nos alliés qui voient la France comme un partenaire moins fiable puisque une alternance mènerait au pouvoir un parti aux positions ambigües, irresponsable envers les soldats français pour lesquels faire croire que des victimes dans leurs rangs sont susceptibles de provoquer une retraite de l’ensemble de leur contingent en fait potentiellement des cibles privilégiées, irresponsable en vers la population afghane pour lesquelles un retrait des forces internationales signifierais le retour d’une dictature barbare. Lire dans ce contexte, comme dans l’article de Libération, que l’objectif était de ne pas radicaliser les gauchistes du PS dans la perspective du Congrès, a de quoi agacer. Le cercle vicieux d’une cure d’opposition prolongée est d’adopter une culture d’opposition plutôt qu’une culture de gouvernement. Rien de tel pour prolonger le séjour dans la dite opposition.

On regrette l’immobilisme du PS. Mais dès qu’il bouge en ce moment, il s’enfonce encore plus.

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